L'étymologie des noms arméniens peut fournir des indices fascinants sur l'origine d'une famille ou l'identité d'un ancêtre.
Au Moyen Âge
Les premiers noms de famille arméniens connus datent de la période médiévale. Ce sont ceux des familles de la noblesse arménienne d’origine parthe ou perse, les Nakharars, qui portaient le nom de leur “maison”. Ces noms de famille se terminent par le suffixe arménien -ունի (translittération anglophone -uni/-ooni, francophone -ouni) comme les Ardzrouni, les Bagratouni, les Rechtouni, Arshakouni, etc., à l'exception des nobles Mamikonian ou des Manavazian qui possèdent déjà le suffixe -ian. Ces familles sont pour la plupart éteintes, mais il reste encore des descendants portant ce suffixe. Dans les listes électorales de 2019, on recense encore 1213 (0,05 % des électeurs) porteurs d’un nom avec le suffixe -uni dans la République d’Arménie.
À cette époque, les personnes pouvaient également être distinguées par leur lieu d’origine avec un suffixe -ցի (translittération -tsi). Des exemples célèbres sont Grigor Narekatsi (Saint Grégoire de Narek) ou encore Movses Khorenatsi (Moïse de Khoren). Ce suffixe est toujours utilisé pour désigner les habitants d’une ville ou d’une région : les habitants de Yerevan/Erevan sont appelés les Yerevantsi.
Les noms patronymiques
Les noms de famille ne se sont pas généralisés avant le XIXe siècle. Dans les registres ottomans, les Arméniens sont recensés par leur prénom, celui de leur père, éventuellement une caractéristique physique (moustache noire, barbe, taille normale…) ou un métier. Aussi, comme l’identification se faisait par le père, les noms patronymiques vont d’abord apparaître. Ils changent de génération en génération : si le père s’appelle Boghos, le fils Bedros s’appellera Bedros Boghossian : Bedros le fils de Boghos. Le fils de Bedros, Hovhannes, s’appellera Hovhannes Bedrossian.
Suffixes
Les noms de famille se sont généralisés à la fin du XIXe siècle, début du XXe siècle. Le nom de famille se fixe sur le nom patronymique ou peut être imposée par les autorités pour des besoins de recensements fiscaux.
Dans l’arménien classique, la terminaison finale initiale en -եանց (-yants ou -eants). Les noms comportant ces suffixes avec un -ts final et les suffixes dérivés (-unts, -onts, -entz, -yantz) ont été conservés par des Arméniens qui ont migré dans l’Empire russe au XIXe siècle.
Les noms ayant ces terminaisons représentent en République d’Arménie en 2019 respectivement -unts/-ounts 0,20 %, -onts 0,01 %, -yants 0,10 %, -yans 0,01 % des électeurs.
La terminaison a évolué et actuellement des noms de familles arméniennes possèdent de nos jours à la grande majorité le suffixe -յան (translittération en -yan) pour les Arméniens orientaux (issus de l’ex-Empire russe) ou -եան (dont la translittération devrait être -ean ou -yan, mais qu’on retrouve plutôt écrit -ian ou -yan devant une voyelle ex: Saroyan). La forme -յան (-yan) s’est généralisée dans la République d’Arménie (issus de l’ex-Empire russe) actuelle alors que les Arméniens occidentaux (issus de l’ex Empire ottoman utilisent la forme -եան (-ian).
Ces suffixes signifient “issu de”, “fils de”. On retrouve des suffixes équivalents dans de nombreux pays, comme le -oğlu pour les Turcs, le -ov/-off ou -ev/-eff pour les Russes ou même le -son ou -sen dans les pays scandinaves.
Dans les listes électorales, 98,21 % des électeurs possèdent un suffixe en -յան (-yan) ou un de ces dérivés -եան (-ian), -յանu (-yans), -յանց (-yants), les autres terminaisons de noms indiquant des origines russes ou ukrainiennes (-ov/-ova, -ev/eva, -in/-ina, -ko/-ka, -tchuk/-yuk, -itch, -ski/-skaya) représentaient 1,27 % des électeurs, des origines géorgiennes (-idze/-adze, -shvili) 0,03 % et le suffixe (-unts ou -onts) 0,21 %.
Préfixe
Le préfixe Տեր (translittéré en Ter ou Der selon le dialecte) est utilisé pour désigner un prêtre et ses descendants.
La Racine des noms
Les racines des noms de famille sont des mots d’origine arménienne, mais peuvent être d’origine russe, géorgienne, perse pour les Arméniens orientaux, d’origine turque, grecque, arabe pour les Arméniens occidentaux.
Parents
La racine est dans la majorité des cas un prénom, prénom du père qui est devenu le nom de l’ancêtre par l’abandon du nom patronymique au profit du nom de famille. C’est le cas des 20 noms de famille les plus portés actuellement en Arménie :
translittération arménien oriental vers l’anglais | translittération arménien occidental vers français |
Grigoryan | Krikorian |
Harutyunyan | Haroutiounian |
Sargsyan | Sarkissian |
Hovhannisyan | Hovhannessian |
Khachatryan | Khatchatrian |
Hakobyan | Hagopian |
Petrosyan | Bedrossian |
Vardanyan | Vartanian |
Gevorgyan | Kevorkian |
Karapetyan | Garabedian |
Mkrtchyan | Meguerditchian |
Ghazaryan | Ghazarian |
Manukyan | Manoukian |
Avetisyan | Avedissian |
Poghosyan | Boghossian |
Martirosyan | Mardirossian |
Sahakyan | Sahakian |
Arakelyan | Arakelian |
Margaryan | Markarian |
Davtyan | Davidian |
Métier
La racine peut également désigner un métier pratiqué par le père autrefois, devenu l’ancêtre : Deukmedjian du turc Dökmedji (fondeur), Berberian du turc Berber (coiffeur), Sarafian de l’arabe Sarraf (banquier, monnayeur).
Lieu d’origine
La racine peut désigner un lieu, la terminaison finale est alors -lian. Elle désigne une personne ayant migré qui est identifiée par son lieu d’origine : Stamboulian - d’Istanbul, Izmirlian - d’Izmir, Sivaslian - de Sivas, Vanlian - de Van. Cette terminaison en -lian est utilisé pour les Arméniens de l'ex-Empire Ottoman. Pour les Arménien de l'ex-Empire Russe, on utilisait plutôt le -tsyan, issu du -tsi vu plus haut : par exemple Vantsyan pour une personne provenant de Van.
Caractéristique Physique
La racine peut renseigner sur une caractéristique physique parfois étonnante de l’ancêtre : Dilsizian signifiant sans langue (langue coupée), Vetsmadian, de l'arménien vets mad signifiant 6 doigts ou Moroukian, de l'arménien Morouk signifiant la barbe.
Altérations des noms de famille
Les noms de famille subissent des transformations suite aux migrations des Arméniens dans les pays de la Diaspora arménienne, notamment par la translittération des noms depuis l'alphabet arménien vers l'alphabet latin. Les deux dialectes arméniens principaux, l'arménien occidental parlé dans l'ex-Empire ottoman et l'Arménien oriental parlé dans l'ex-Empire Russe utilise le même alphabet arménien mais ne prononcent pas les lettres de la même façon. Aussi leur translittération est différente. Dans la liste des noms de famille ci-dessus, nous avons déjà entrevu ces différences. Nous verrons tous ces problèmes de transformations dans le prochain article de blog dédié aux spécificités de la généalogie arménienne.